Mieux vaut tard que jamais ! Cette phrase, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta devrait sans doute se la prononcer mille fois. Depuis 2013 lors de la campagne présidentielle, IBK avait annoncé la fourniture de Pc-Tablettes aux étudiants du pays. 5 ans après, ce n’est qu’à la veille de la campagne présidentielle de 2018 que cette mesure commence par se concrétiser. 1 PC-Tablette symbolique a été remis à la veille des campagnes annonçant les couleurs d’une distribution prochaine de 13 000 autres. Retour sur un don aux relents « électoralistes ».
L’importance des nouvelles technologies dans le secteur de l’enseignement supérieur est un sujet que tente de maîtriser beaucoup de pays africains. Au Mali, la récente cérémonie de remise d’un Pc-Tablette symbolique n’est pas bien vue d’un bon œil par tout le monde. Promis cinq ans plus tôt, certains estiment que cet événement n’a pas lieu d’être ou du moins tout le tapage médiatique qui l’entoure n’est que vanitas vanitatum omnia vanitas. Ce n’est pas la même chose que pense le Secrétaire Général de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), Moussa Niangaly qui a reçu ce qu’on pourrait désigner par « prototype ». D’après la Présidence malienne qui vante les mérites de son joujou, « ce PC-Tablette est équipé, entre autres, d’un clavier et d’un disque dur interne pour répondre aux besoins d’utilisation des étudiants » puis conçu avec l’appui d’ingénieurs locaux.
13 000 ordinateurs pour 13 000 voix ?
Des activistes web ont déjà fait le lien entre ce don et le contexte politique électoral. Ça sent déjà un début de campagne pour attirer l’attention de ces jeunes, ces électeurs. Pour eux, point n’est besoin d’attendre la veille des élections pour se rappeler d’une promesse faite il y a de cela cinq années. Cela connote une sorte d’ambitions cachées d’autant plus que les étudiants sont pour la plupart des personnes en âge de voter. Autrement dit, 13 000 pc-tablettes équivalent à 13 000 voix électorales. Les propos du secrétaire général de l’AEEM démontrent la joie qui l’anime et de surcroît sa séduction par ce cadeau présidentiel. « Vous venez de réaliser l’une des plus belles actions jamais posées dans l’histoire de l’école malienne en faveur de l’étudiant. Vous incarnez l’espoir de toute une génération ! », a-t-il dit à IBK.
Ce projet « un étudiant – un ordinateur » appelé Doniya est pour le président et ses collaborateurs un moyen de doter chaque étudiant malien d’un ordinateur portable avec connexion à internet haut débit. Au-delà, ils estiment vouloir permettre à chaque apprenant de rentrer en possession de documents électroniques sur Internet et d’accéder aux bibliothèques numériques pour dit-on « favoriser les échanges entre les étudiants, les enseignants et les administrations universitaires ».
Vague de cadeaux présidentiels
La Cameroun s’est déjà illustré sur ce terrain. Des ordinateurs ont été distribués aux étudiants sur fond de critiques de gauche à droite. Cela ressemble en grande partie à une opération de charme minutieusement réfléchie et préparée par des présidents de l’Afrique pour amadouer et relier à leurs causes des jeunes soucieux de leur avenir mais sans grand moyen pour s’offrir ne serait-ce qu’un simple ordinateur portable !
Au Cameroun, les ordinateurs tablettes remis ont été griffés « PB » du nom du président Paul Biya. Plusieurs étudiants, près de 500 000 ordinateurs devront être servis dont 40.000 premiers l’ont été en décembre 2017. Là aussi, c’est à moins de deux ans des élections présidentielles.
Le président Ali Bongo du Gabon a promis de son côté en janvier 2018 vouloir doter 94 écoles de 30 ordinateurs chacune avec une connexion internet haut débit. De même en Guinée, Alpha Condé a aussi donné sa parole aux étudiants de leur fournir des ordinateurs – mais pas gratuitement- avant que la situation ne tourne au vinaigre. En juin 2017, des étudiants l’ont apostrophé devant la salle de congrès du palais du peuple en marge de la semaine de l’étudiant en arguant haut et fort : « Tablette ! » « Tablette ! » « Tablette ! ». Alors qu’un mois plus tôt, la distribution de tablettes avait commencé. Finalement, beaucoup d’étudiants se sont rendu compte que les tablettes n’étaient pas gratuites et qu’il fallait débourser 105 dollars, pratiquement 52 500 F CFA pour l’avoir.
Ainsi va l’Afrique, ses élites et leurs aînés.
Crédit photo : Afrique Midi